La Haute-Couture n'est pas toute blanche

Quand on s’intéresse à la mode on est parfois pris d’un vertige d’incrédulité face à l’absurdité des concepts qui la régissent. Entre la prise de conscience (enfin !) des conséquences néfastes et des abus de toutes sortes de la Fast Fashion, et la débauche de certains défilés Haute-Couture – en particulier ceux des « grandes maisons », on se demande où la provocation du capitalisme s’arrêtera. Ces derniers temps sont pointés du doigt surtout les industries de la mode qui produisent en masse et à prix riquiqui au détriment de toutes considérations sociales et environnementales, en culpabilisant par la même occasion les acheteurs à petit porte-monnaie.

Mais quand on assiste à la surenchère de collections – certes de très belle facture et rémunérées sans doute à leur juste valeur – présentées dans des lieux les plus extravagants possibles, le plus loin possible, avec mises en scène exorbitantes lors des Fashion Weeks et semaines de la Haute-Couture, on se demande vraiment de qui on se moque. Des pauvres, bien sûr. Et sans vergogne. Le public de ces shows aux budgets pharaonesques est la minuscule élite des plus riches de notre planète, représentée par le Golgotha du microcosme des fashionistas internationales et autres stars des réseaux sociaux qui se prêtent si volontiers à ce jeu de m’as-tu vu. Cependant que ces personnalités se font prêter les plus belles pièces des collections à titre promotionnel, la richesse de ces maisons de couture se fait essentiellement grâce à la vente d’accessoires et de parfums – pourvu qu’ils affichent leur logo de la façon la plus voyante et reconnaissable possible, à des millions de jeunes, abrutis par les fausses valeurs colportées par Insta, Tik Tok et consorts. Il n’y a qu’à voir les files d’attente, devant les boutiques de luxe, d’individus scotchés à leur téléphone en attendant de pouvoir entrer dans ces temples du consumérisme, et la recrudescence de babioles portant des logos aussi gros que la babiole elle-même dans les rames du métro. Le principe même du marketing réussi à l’heure des réseaux sociaux, de l’enfumage pur et dur pour « fashion victims » accros au portable. 
Mais pour l’heure ces maisons ne sont pas inquiétées, leur réputation est intouchable et on ferme les yeux sur leur empreinte carbone astronomique. Ce sont les puissants.

Heureusement, les choses changent aussi dans le bon sens dans la Haute-Couture. Il y a bien sûr aussi d’honnêtes couturiers et créateurs qui prennent leur métier à cœur sans courir après le luxe tapageur et parvenu de tout ce gratin de stars des réseaux sociaux. Des gens qui restent les pieds sur terre tout en ayant le sens de l’élégance, de la beauté des matières et de la justesse des coupes, une certaine vision de ce que doit rester un vêtement haute-couture : un vêtement de luxe, créé sur mesure, qui affiche la richesse de la maison tant en termes de savoir-faire et talent de ses couturier-e-s que dans la somptuosité des matières choisies ou créées. 

Imane Ayissi est un de ceux-là. Et Imane est le premier créateur de l’Afrique Sub-Saharienne à avoir été admis dans le cercle très restreint de la Haute Couture parisienne. Le premier noir. Son art réside essentiellement dans la recherche d’étoffes et matières traditionnelles en provenance du continent africain, et sa façon de les travailler ou de les associer, pour les adapter aux critères de l’élégance parisienne. Après 20 ans de persévérance, il a enfin pu intégrer le calendrier officiel de la Haute Couture en 2020. Mais lui ne fait pas de parfums, et n’a pas les sponsors qui lui permettraient de créer des pièces moins chères pour pouvoir développer sa marque. Et pourtant ce sont des gens comme lui qu’il faudrait soutenir, pour son sens de l’éthique, la qualité de ses créations, et sa volonté de donner de la visibilité à la beauté des textiles naturels, et du travail à des artisans, africains ou autres. De la vraie mode durable, la Haute-Couture noble.

 

La dernière collection est une réussite! Bravo Imane!

https://www.instagram.com/imane_ayissi/

https://www.imane-ayissi.com/