Covid19 - une pandémie à l'aulne des réseaux sociaux
Alors on en est où avec ce fichu virus ? On nous rabat les oreilles avec lui depuis presque 9 mois, et toujours rien de clair : ni de vaccin, ni de définition immunitaire précise, ni de délai de contagion vérifié. Les avis d’experts sont parfois aux antipodes les uns des autres, et devant une sacro-sainte médecine en panne de réponses concrètes, les responsables politiques, absolument pas préparés à cette nouvelle donne, font preuve pour la plupart d’une incompétence grave. Ce qui donne lieu à des mesures généralement excessives, parfois contradictoires, ou encore trop laxistes, qui ajoutent à la confusion générale. Pourtant on a expérimenté ces dernières années d’autres virus mortellement dangereux comme entre autres, l’Ebola ou le H1-N1 ou le SARS. Ces virus ont été, d’une façon ou d’une autre maîtrisés, ou en tous cas combattus de manière suffisamment efficace, pour qu’une pandémie ait pu être évitée.
Alors qu’est-ce qui fait que ce virus soit toujours présent, et comment se fait-il que les autorités compétentes n’arrivent pas à se mettre d’accord sur un protocole sanitaire ? Pour la population, ce flou scientifique donne lieu à une incompréhension totale et à des interprétations des plus farfelues. D’autant plus que nous sommes constamment bombardés d’informations, par les organes de presse classiques, la télévision et les journaux, auxquels s’ajoutent une pléthore d’articles et de vidéos, de statistiques retournées dans tous les sens et de commentaires plus ou moins tendancieux, diffusés par le biais de l’internet. Et bien entendu tous les avis divergent, chacun y va de sa théorie et allez donc vous y retrouver dans cette cacophonie !
Pas étonnant donc que des théories complotistes fusent de toutes parts. Et grâce en grande partie aux réseaux sociaux, Facebook et Youtube en tête, elles se répandent à travers les différentes couches de la société de façon exponentielle.
Le problème c’est que les algorithmes des plateformes sociales sont aujourd’hui tellement développés et interconnectés, qu’ils ne montrent aux utilisateurs que les informations qui correspondent à leur profil – profil établi à partir de leurs propres publications, de leurs « likes » ou de leurs commentaires, et de tout ce qu’ils visionnent dans l’internet, toutes plateformes confondues. Et à partir de ce profil, l’algorithme filtre les informations et même est en mesure de suggérer de nouvelles « amitiés », et d’afficher des pubs ou des vidéos ciblées, et par là même d’influencer le comportement des utilisateurs. Et c’est ainsi que certaines fake news et vidéos deviennent virales, non pas parce qu’elles prêchent la vérité mais parce qu’elles sont contrôlées par des algorithmes. Ces algorithmes étant développés pour servir des intérêts commerciaux, ils bombardent les consommateurs potentiels avec des informations susceptibles de les intéresser. Il ne s’agit pas uniquement de vendre des produits, il s’agit aussi de manipuler les opinions, pour des partis politiques par exemple, comme lors des dernières élections aux USA…. Et logiquement plus on est consommateur d’internet et de réseaux sociaux, plus on est susceptible d’être manipulé.
Et le danger c’est qu’à partir de là, le cloisonnement entre les opinions devient de plus en plus hermétique. Les groupes de catégories opposées (de composantes plus ou moins hétéroclites par ailleurs) deviennent irréconciliables, parce que les informations qu’ils reçoivent ne se recoupent plus. Leurs perceptions de la réalité ne sont plus compatibles.
Affiche de Calder pour la galerie l’expression à Strasbourg, 1970
Comme lors de la montée en force du mouvement des gilets jaunes, toute la partie de la population, qui se défiant de la presse officielle s’était retournée vers les informations « désintéressées » de leurs réseaux sociaux, s’est retrouvée dans une nébuleuse dans laquelle les revendications étaient tellement disparates qu’elles ont fini par devenir complètement illisibles. Mais la fracture entre les gilets jaunes et le reste de la société française est, elle, devenue encore plus marquée.
De même, les groupes qui nient aujourd’hui la présence d’une pandémie, s’appuient sur des arguments très différents – qu’ils soient médicaux, politiques, économiques, ou autres – et pourtant ils sont unis par le seul déni. L’important c’est d’être d’accord pour dire que c’est un fake. Pour ceux qui sont convaincus du bienfondé des politiques de restrictions et du confinement autoritaire, les argumentations sont elles aussi nuancées, mais ils sont moins unis, puisqu’ils ne sont pas dans la protestation directe. Du coup le groupe protestataire est celui qui fait pencher la balance. Mais comment arrêter cet emballement négationniste et cette surenchère d’informations bidons qui déstabilisent encore un peu plus notre démocratie ?
Parce que ce qui est grave, c’est que dans cette cacophonie d’argumentations plus ou moins censées, on perd de vue la mesure du défi humanitaire, social et environnemental qui reste quand même bien à l’origine de cette crise mondiale. Et plutôt que de débattre sur des solutions de bon sens pour enrayer cette crise, on en est réduit à essayer avant tout de démonter des théories complotistes des plus ahurissantes.
Il n’empêche qu’on ne peut pas, ne serait-ce que par respect pour ceux qui ont été touchés par le virus et pour le travail des personnels soignants, nier complètement la gravité de ce virus. Est-il possible que les réseaux sociaux soient capables de filtrer la réalité à tel point que la vérité soit complètement annihilée ? Ou tellement déformée qu’elle en perde tout son sens ?
Une chose est sûre, les confinements imposés et les restrictions de voyages subséquentes ont eu au moins comme conséquence positive une diminution de la pollution atmosphérique et une prise de conscience de la nécessité absolue de repenser le système capitaliste. Dans la foulée, on pourrait espérer que cette crise sans précédent permette enfin, au moins de réguler, sinon de stopper la mainmise des GAFA et autres multinationales sans vergogne sur le comportement des utilisateurs de l’internet au profit d’intérêts commerciaux ou autres. Et ainsi de redonner aux jeunes générations la liberté de penser et de vivre sans la pression des réseaux sociaux, et espérons-le sans la menace de nouvelles crises sanitaires comme celle que nous traversons.
Pour en savoir plus sur le pouvoir des réseaux sociaux, un documentaire à regarder absolument : The Social Dilemna de Jeff Orlowski sur Netflix, et un site dédié: https://www.thesocialdilemma.com/the-film/