Planète des sens - planète de rêves

After Blue (Paradis sale) de Bertrand Mandico, 2022

A voir au Max Linder Panorama jusqu’au 2 mars 2022 (ou ailleurs, mais si possible en cinémascope)

Un western de science-fiction déjanté, dans des décors de nature brute, un peu abrupte et pas franchement hospitalière, éclairés par une lumière qui varie sans arrêt comme passée à travers le filtre d’un arc en ciel ; des flocons ou des plumetis traversent l’image par vague, des roches bizarroïdes s’érigent inattendues et des lampadaires à la Philippe Druillet bordent les chemins de pierres dans un paysage désertique ou en pleine forêt, le tout sur fond de bande sonore où alternent musique soft et multiforme et une voix de femme grave qui tisse la trame de l’histoire sous forme d’interrogatoire.

On se laisse entraîner dans un univers extraterrestre, un peu trash, peuplé de femmes exclusivement, de jeunes beautés, androgynes et plutôt dénudées, de vieilles garces vêtues façon 19ème, revanchardes, d’amazones et d’une indienne, sensuelles et sexuellement à l’affût, comme une plongée en apnée dans le rêve d’un autre (mâle évidemment).

Il est question de meurtres, de sorcière séductrice pourchassée, d’une coiffeuse et de sa fille, bannies de leur village et à la poursuite de la meurtrière, d’une aristo artiste très belle mais un peu cruelle, de chasseuses de prime malhonnêtes, mais aussi de mortes en attente de revanche, d’êtres moitié-arbre moitié-murène, d’armes à feu qui portent des noms de marques de luxe, de désir charnel et de l’histoire d’amour interdite entre Kate Bush et Roxy. Et de poésie, d’humour, d’imagination débordante.

La fraîcheur de la forme, l’interprétation jubilatoire du genre western sans macho (même si la seule figure masculine subsistante – un androïde aveugle – suscite désir et jalousie au sein du gynécée) les séquences traitées comme autant de créations picturales et organiques (ou de cases de bande dessinées), concourent à une expérience réjouissante dans laquelle l’onirisme l’emporte sur tout.

 

« Dire qu’on s’y sent bien est un euphémisme, tant la forme, chiadée et enveloppante, sollicitant ouïe et vision à chaque seconde, ressemble à un bain, mais surtout attise l’intérêt par la manière si organique de Mandico d’emboîter cette forme, ses textures et ses surfaces, dans ce qu’il raconte. » Commentaire de Olivier Lamm, Libération 16/02/2022 (lire la critique complète: https://www.liberation.fr/culture/cinema/after-blue-paradis-sale-champ-de-visions-20220216_UMPQ2WWBAFHAHKVMZUHVUYE5K4/