L’Art triomphe Empaqueté

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L’Arc de Triomphe, WRAPPED.

D’aucuns se demandent quel est l’intérêt d’un tel projet, à cet endroit névralgique de la révolte populaire française des trois dernières années, et qui plus est en temps de pandémie. Pourquoi empaqueter un des symboles majeurs de la France, situé sur un des carrefours urbains les plus redoutés des chauffeurs non parisiens, et qui domine une des plus fameuses avenues du monde.  Pourquoi en effet une telle débauche de moyens humains et financiers, alors même que les artistes à son initiative sont morts ? Mais à ce compte, on peut se demander aussi, pourquoi pas ?

Parce que finalement l’avenue des Champs Elysées n’est-elle pas devenue ces dernières années une débauche de ravalement de façades pour consortiums capitalistes ? Dior en est à son deuxième immeuble emballé, Louis Vuitton et Apple, pour ne citer qu’eux, ne rivalisent-ils pas d’extravagance architecturale pour assoir leur suprématie économique sur cette avenue devenue la Mecque des vitrines pour nouveaux riches ? Alors pourquoi un projet artistique auto-financé, éphémère et sans ambition commerciale, devrait-il choquer? Pour des questions d’éthique, de goût, de bienséance ?

Reprenons au début : l’Arc de Triomphe, construit par Napoléon 1er pour signaliser ses victoires guerrières et la puissance de son Empire, placé dans l’axe de l’Obélisque (monument spolié et ramené à grand frais de sa campagne d’Egypte)  à l’autre bout de la plus fameuse avenue de France, est un monument assez moche esthétiquement et plus particulièrement moralement, de par son entité propre – l’hymne à la guerre. Les meilleurs aspects qu’on ait su en tirer sont la terrasse panoramique avec sa vue sur Paris et la flamme du soldat inconnu, un peu faux-cul, mais soit.

Les artistes Christo et Jeanne-Claude ont la particularité de faire des œuvres monumentales éphémères, qu’ils financent complètement grâce à la vente des toiles de Christo, des ses collages ou des objets dérivés de leur production artistique. Jusqu’au bout de leur vie ils ont bataillé pour réaliser leurs projets, batailles de plusieurs décennies pour certains d’entre eux – notamment le Reichstag à Berlin, Les Gates à New York, Over the River aux USA. L’idée de l’Arc de Triomphe empaqueté date du début des années 60, mais est resté dans les tiroirs jusqu’après la mort de Jeanne-Claude. En 2017 Christo réactive le projet, né peu après sa rencontre avec Jeanne-Claude.

Empaqueter l’Arc de Triomphe n’est pas une mince affaire. Il faut une ingénierie de pointe pour modéliser le projet et l’appliquer au monument, créer des cages pour protéger les statues, produire 25 000 m2 de tissu et 3 000 de cordes. Recruter les équipes de cordeurs, transporteurs, grutiers. Et travailler 24h sur 24h place de l’Etoile, au milieu de la circulation. Il n’y aura aucune réticence de la part des administrations françaises pour ce projet. Et même si Christo est mort avant de la voir réalisée, sa dernière œuvre monumentale est un retour aux sources de sa carrière, un hommage à Paris et à sa femme et partenaire artistique, Jeanne-Claude. Un magnifique cadeau à la ville, l’aboutissement de leur œuvre, le triomphe de leur amour.  

L’Arc de Triomphe, WRAPPED
Project for Paris, Place de l’Etoile-Charles de Gaulle
du 18 septembre au 3 octobre 2021.

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